Meera

"La princesse indienne Meera était éperdue de dévotion, c'était une bhakta ivre d'amour pour Dieu. Le jour où elle quitta le palais pour fêter sa joie au grand air, son entourage la renia et tenta même de l'empoisonner, car elle déshonorait la famille royale. Cela se passait au Rajasthan, un des états les plus rigides du pays. Pendant des siècles, les femmes y ont vécu cachées, voilées en permanence. Dans ce milieu extrêmement borné, Meera tomba amoureuse de l'existence. Elle partit sur les routes, dansant extatiquement sans s'inquiéter de son sari qui glissait et découvrait son visage et ses mains. On comprend l'indignation de sa noble famille. Elle chantait comme jamais personne n'avait chanté, les mélodies jaillissaient spontanément de son cœur.
- Ne t'imagine pas que tu es mon époux, avait-elle dit à son mari. Mon bien-aimé est Krishna, tu n'en es qu'un pâle reflet.
Furieux le roi la chassa du royaume. Meera se rendit à Mathura où s'élève un des grands temples consacrés à Krishna. Le gardien de ce temple avait fait le voeu de ne plus jamais regarder une femme de sa vie. Cela faisait trente ans qu'il y était parvenu. Aucune femme ne pouvait franchir le seuil du temple et lui-même n'en sortait jamais. Meera arriva devant l'entrée et dansa dans un tel état de ravissement que les gardes oublièrent les consignes. Elle entra sans difficultés. Le grand-prêtre était absorbé dans le culte de Krishna. Quand il vit Meera, il fut saisi d'effroi.
- Dehors, femme ! Dehors ! Aucune femme n'a la permission d'entrer ici ! Hurla-t-il.
Meera se mit à rire :
- À ma connaissance, nous sommes tous féminins, sauf Dieu ! Crois-tu être encore un homme après avoir adoré Krishna pendant trente ans ?
Le prêtre tomba aux pieds de la grande mystique :
- Personne ne m'a jamais dit cela, dit-il. Je comprend et vois que c'est la vérité."

L'amour de Meera était parfait. Elle n'attendait rien, ne demandait rien à Krishna et offrait ce qu'elle avait...et recevait en retour.